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Des chiffres qui montrent l’incapacité d’Haïti à faire face au COVID-19

Pas plus de 200 lits d’hôpitaux pour une population de 11 millions d’habitants, pénurie de mains-d’œuvre sanitaires, non-accès à l’eau potable pour une bonne partie de la population… les données sont accablantes.

Le nouveau coronavirus (COVID-19) met  à nu les systèmes  sanitaires  de grands pays du monde. Ici, en Haïti, on  a  déjà  enregistré plus de 30 personnes infectées par le virus. Des hôpitaux  ne peuvent pas donner soins faute de moyens, pourtant des  rapports avaient déjà décrit l’état lamentable du système sanitaire du pays.

Seulement 16% des centres de santé disposent de lits

D’après  un rapport  publié en décembre 2018 par  le Ministère de la santé publique et de  la  population (MSPP), sur 1007 établissements de santé fonctionnels recensés par l’Evaluation de la prestation de services de soins de santé (EPSSS), sur tout le territoire du pays, les centres de santé avec lits représentent 16% et les hôpitaux 13%.

Aussi, les centres de santé sans lits demeurent-ils la catégorie d’établissement la plus fréquentée avec 36% ; les dispensaires et les centres communautaires de santé viennent ensuite (35%).

Quant aux personnels de santé, selon le MSPP qui cite le rapport de la Direction des Ressources Humaines (DRH) paru en juin 2017, le secteur santé comptait  23 171 employés jusqu’au 30 juin 2016. Les établissements publics de santé avaient, à eux seuls, 69% de ces personnels.

Le personnel pour fournir des soins maternels et infantiles, les indispensables, est évalué à 7 021 employés (médecins, infirmières et sages-femmes), soit 30% de l’effectif recensé. Ces professionnels rapportés à la population une densité de 6.3 pour 10 000 habitants. Un pourcentage qui met en évidence une situation de pénurie en mains-d ‘œuvre sanitaires essentiels vu que le seuil minimum recommandé par l’OMS est de 25 pour 10 000 habitants. Donc, Haïti est très en dessous du seuil de référence acceptable.

Il faut souligner que, selon les estimations faites en 2017 par l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), la population haïtienne compte  11 244 774 habitants environ. L’Ouest et l’Artibonite contiennent à eux seuls plus de la moitié de la population du pays, soit 37% et 16%.

Se référant à ces chiffres, les 200 lits d’hôpitaux pour soins intensifs dont dispose l’État haïtien, selon ce qu’a déclaré la  ministre de la santé publique et de la population, Marie Gréta Roy Clément, sont largement insuffisants pour le seul département l’Artibonite au cas d’une véritable progression du virus.

Les Haïtien.ne.s n’aiment pas aller à l’hôpital selon l’EMMUS-VI

D’après l’EMMUS-VI, publiée en décembre 2018, la fréquentation des services de santé de la population  au moins une fois par an reste pratiquement stable au cours des trois dernières années, car 31.0% de la population avait fréquenté les services de santé en 2015 au niveau national contre 31.5 en 2016 et 30.7% en 2017. Le département du Centre a connu, en 2017, le plus fort taux de fréquentation des services de santé avec 45.7% de sa population. Mais, toujours d’après l’étude, ce résultat doit être interprété avec prudence vu que ce département dispose de deux structures hospitalières qui accueillent des patients venant de toute part dans le pays. Pour les autres départements, les niveaux de fréquentation des services de santé sont variés: 17.6% dans le Sud-est et 39% pour le Nord et le Nord-est.

En effet, au cours de l’année 2017, un effectif de 3 450 785 personnes ont fréquenté les établissements de santé du pays (visites nouvelles) pour un total de 10 609 026 consultations, ce qui correspond à une moyenne de trois visites par patients d’environ. Les départements de l’Ouest et du Centre ont enregistré le plus grand  nombre de visites par patient  avec respectivement une moyenne de 4.0 et 3.5.  Le Nord a accusé le plus  faible niveau de fréquentation, avec une moyenne de 2.7 visites.

Que les gens ne prennent pas l’habitude de fréquenter les établissements de santé peut avoir au moins deux conséquences. Au fait,  jusqu’à date les  autorités sanitaires du pays comptabilisent une trentaine de personnes infectées du Covid-19, dont deux décès, pour  plus de 300 cas suspects sur  une population de plus de 11 millions d’habitants. Le  département de l’Ouest est en tête avec plus de 18 cas. En réalité, si  on tient compte  du  rapport de l’EPSSS, le  nombre de  gens personnes infectés peut être plus important vu que le MSPP ne fait pas de dépistage à grande échelle. L’autre conséquence est que, puisque les gens ne vont pas à l’hôpital, il.elle.s ne connaissent pas leurs antécédents médicaux, ce qui peut les rendre plus vulnérables à la maladie.

69 % des ménages utilisent une installation sanitaire non améliorée en Haïti

Si on n’a pas encore  trouvé de vaccin  pour  contrecarrer  le nouveau coronavirus dans  le monde, d’après les  scientifiques,  il y a plusieurs  moyens  de  prévention, dont  le lavage des mains.  Pour  ce faire, il faut de l’eau propre. Un luxe qui n’est pas donné à une bonne partie de la population haïtienne.

Selon le rapport  de l’Emmus-VI, près de trois quarts des ménages (74 %) s’approvisionnent en eau de boisson auprès d’une source améliorée. La quasi-totalité des ménages urbains (95 %) s’approvisionnent en eau de boisson auprès d’une source améliorée comparativement à 60 % des ménages ruraux. Toujours  selon ce rapport, trois ménages haïtiens sur dix (31 %) utilisent une installation sanitaire améliorée. En revanche, 69 % des ménages utilisent une installation sanitaire non améliorée : 24 % des ménages utilisent des toilettes partagées, 20 % utilisent des toilettes non améliorées et 25 % n’ont pas de toilettes.

Dans  un rapport  publié en 2018, la  Banque mondiale (BM) a fait savoir que « l’accès à un système amélioré d’assainissement a été inégalement réparti, diminuant chez les 40% les plus pauvres. » « Entre 1990 et 2015, observe la BM, le pourcentage de personnes pratiquant la défécation à l’air libre est passé de 48 à 19% ; la part de la population ayant accès à des installations améliorées d’assainissement a augmenté de 10 points au niveau national, de 8 et de 1 points de pourcentage respectivement dans les zones rurales et dans les villes. »

Cependant, au cours de la même période, l’accès à des installations améliorées d’assainissement a augmenté de seulement 1 point parmi les 40% les plus pauvres en milieu rural et a diminué de 3 points pour les 40% les plus pauvres en milieu urbain. L’augmentation de l’accès à des installations améliorées d’assainissement dans les zones rurales est principalement due à une forte réduction de la population rurale, qui a migré en zone urbaine.

Le nombre de ménages ruraux ayant accès à des sources d’eau potable de bonne qualité et à des installations améliorées d’assainissement diminue en termes absolus, ce qui suggère que les infrastructures s’effondrent. L’accès à l’eau courante dans les maisons et à d’autres sources d’eau améliorées augmente pour les 20% des plus aisés en milieu rural, analyse le rapport « Regarder Au-Delà de la Provision par le Gouvernement des Services en Eau et Assainissement : Les Choix et Pratiques des Plus Vulnérables en Haïti », tout en précisant que cette catégorie vit en majorité dans des petites villes pouvant être desservies par des systèmes de distribution. « Mais, fait remarquer le document, l’accès diminue pour le reste de la population rurale, dont une grande part vit dans de petites communautés dispersées. De même, l’accès à l’assainissement amélioré a stagné pour les 40% des plus pauvres en milieu rural, tant en termes relatifs qu’absolus. Les services d’eau en milieu urbain luttent pour faire face à la croissance de la population. »

Toutefois, la diminution de la part de la population urbaine utilisant l’eau courante pour satisfaire ses besoins en eau potable peut s’expliquer par un manque de confiance dans la qualité de l’eau du secteur public. En 2012, rappelle la BM,  environ 55% de la population métropolitaine avait accès au réseau public mais seulement 28% l’utilisaient comme principale source d’eau potable. Cette même année, 67% de la population métropolitaine et 59% des 40% des plus pauvres ont eu recours au secteur privé pour satisfaire leurs besoins en eau potable, en eau domestique ou les deux. Les ménages déclarent ne pas utiliser le réseau public pour boire parce qu’ils craignent que l’eau soit de mauvaise qualité.

Cela dit,  force est de constater que le pays n’est pas en mesure d’éviter le pire si le virus se propage comme dans certains grands pays en Haïti. Toutefois, il est normal  que  nous soyons arrivés à cet état lamentable,  c’est le résultat des choix des autorités étatiques.  Car,  pour ces 20 dernières années le budget alloué au MSPP ne cesse de diminuer. De fait, de 2000 à 2020  le budget du MSPP passe  de plus de 16% à moins de 4% du budget national, alors qu’on sait bien qu’il est impossible d’avoir un bon système de santé sans grands investissements dans le secteur.

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