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Droit d’auteur et internet: une notion insignifiante en Haïti

Le droit d’auteur avec l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) devient de plus en plus compliqué de par sa diffusion et sa protection. Cependant si certains pays en font une priorité en adoptant de nouvelles législations et en menant des campagnes de sensibilisation, en Haïti,  l’incompréhension de ce dernier pour une grande majorité de la population, reste jusque-là le plus grand défi de l’Etat haïtien qui semble n’être pas trop préoccupé par ce phénomène qui prend cependant de plus en plus de l’ampleur.

Que faut-il entendre par Droit d’auteur ?

Le droit d’auteur est une des grandes divisions de la propriété intellectuelle qui se définit selon la convention universelle sur le Droit d’auteur adoptée à Genève le 6 septembre 1952, comme le droit exclusif que détient un.e auteur.e de faire, de publier, d’autoriser à faire et publier la traduction de ses œuvres. Lesquelles œuvres peuvent être littéraires, scientifiques, artistiques, musicales, techniques, cinématographiques, peintures, gravure pour ne citer que celles-là. Par ailleurs, le droit d’auteur regroupe deux types de droits tels les droits patrimoniaux, c’est-à-dire les droits qui permettent à l’auteur.e de retirer le bénéfice économique de l’exploitation de son œuvre et les droits moraux qui visent à protéger l’intégrité de l’œuvre, la relation de celle-ci avec son auteur.e et la réputation de celui-ci/celle-ci. Toutefois, il est à souligner que contrairement aux droits patrimoniaux qui sont purement économiques et qui peuvent être cédés ou faire l’objet de contrat de licence, les droits moraux sont imprescriptibles et incessibles.

En Haïti, plusieurs textes de lois ont été adoptés en la matière  tels, la loi de 1864 sous Geffrard, celle de 1886 sous la présidence de Salomon, le décret du 9 janvier 1968 et enfin le tout dernier, le décret  du 9 mars 2006 (révision de la loi de 1968). Cependant, malgré toutes ces législations sur le droit d’auteur, ce dernier reste jusqu’à date une notion inconnue pour plus d’un et ce, malgré l’existence du Bureau haïtien du droit d’auteur, une structure créée par le décret du 12 octobre 2005 en vue de protéger et de promouvoir ce dernier. Toutefois, le débat sur le droit d’auteur en ce vingt et unième siècle  a déjà dépassé la phase de divulgation et de communication dans plusieurs pays à travers le monde notamment en France et en Belgique qui, à présent mènent des campagnes de sensibilisation sur le respect de celui-ci à l’ère du numérique en plus des législations adoptées. Cependant, cette nouvelle notion qu’est le droit d’auteur et l’internet, parait insignifiante dans le quotidien des Haïtien.ne.s qui n’arrivent toujours pas à bien cerner les enjeux du droit d’auteur.

L’internet et le droit d’auteur en Haïti, un phénomène nouveau et peu abordé

Si l’internet est un outil efficace de communication qui permet de rester en contact avec le monde entier, il peut néanmoins être un outil très dérangeant pour le droit d’auteur. Ce nouveau phénomène bien vite devenu mondial, interpelle autant les autorités, les créateur.trice.s, les universitaires que les internautes. Cependant, il reste jusqu’à présent peu abordé en Haïti, car beaucoup de gens utilisent l’internet sans porter attention aux petits détails qui peuvent s’avérer très viraux pour le droit d’auteur. Combien sont les internautes haïtien.ne.s à s’être déjà posé les questions suivantes: qu’implique l’internet sur le droit d’auteur ?  Quand faut-il parler de violation de droit d’auteur sur internet ? Qui peut violer le droit d’auteur sur internet ? Quel avenir pour le droit d’auteur à l’ère du numérique en Haïti ? 

Quel impact l’internet produit-il sur le droit d’auteur ?

Le réseau de l’internet abolissant les distances entre les gens, accélère ainsi la communication et facilite la diffusion des œuvres partout à travers le monde. S’il devient maintenant plus facile de consulter une œuvre via internet, sa reproduction, sa diffusion, son clonage, sa désagrégation est d’autant plus facile. Ce qui crée une entrave au droit d’auteur quand on sait qu’il regroupe deux types de droits qui doivent être protégés à savoir les droits patrimoniaux et les droits moraux. Ainsi, une fois qu’une œuvre est numérisée, les deux droits précités sont automatiquement mis en jeu. D’où l’impact de l’internet sur le droit d’auteur, car en permettant l’accès, le téléchargement facile des œuvres, il facilite également la violation du droit d’auteur. Dès lors, l’on se demande comment la violation de ce dernier se manifeste-t-elle ? Et qu’en est-il d’Haïti ?

Selon le Dr Mireille Buydens dans son livre intitulé: «Droit d’auteur et internet », le droit d’auteur porte protection, à l’exception des idées, à toute œuvre originale et qui a une certaine forme. En parlant d’œuvre on peut citer les photographies quel que soit leur support et leur objet (numérique ou film ; un tableau, un pont ou une personne), les textes (scientifiques ou techniques), les sélections d’agencement de données, les œuvres dérivées : traduction, adaptation etc. Ainsi, le fait de numériser une des œuvres précitées sans l’accord préalable de l’auteur.e constitue une violation à ses droits patrimoniaux dont lui seul/elle seule peut disposer. En ce qui a trait aux droits moraux qui regroupent à leur tour le droit de paternité et d’intégrité de l’auteur.e, ils sont violés dès lors que l’œuvre est numérisée à l’insu de l’auteur.e et sans que son nom n’ait été cité.

Ainsi le fait de reproduire une œuvre (son, texte, image) sur un CD ou sur une base de donnée en ligne, cela peut s’apparenter à une violation du droit d’auteur. De même que le fait de prendre le passage d’un texte d’un.e auteur.e en guise de citation sans l’accord de l’auteur.e. Toutefois, l’exception à cette règle demeure si l’œuvre en question se trouve déjà en ligne, on peut se servir de la citation à condition que l’on cite l’auteur.e. 

Violation du droit d’auteur sur internet: qu’en est en est-il d’Haïti?

En 2016, le taux de personnes qui utilisaient internet en Haïti s’élevait à 12 %  selon une enquête sur l’usage de l’internet en Haïti réalisée par le RBH de concert avec le Mesodev. Ainsi trois ans après, aucune autre enquête n’a été menée et de plus en plus de gens  ont accès à internet. L’usage des réseaux sociaux est par ailleurs très fréquent en Haïti. Si certains les utilisent pour communiquer, d’autres en font l’usage pour se créer une vie virtuelle en accroissant leur popularité. Dans cet usage non contrôlé de l’internet, le droit d’auteur n’en est malheureusement pas épargné. Car n’importe qui à l’heure actuelle, peut télécharger une chanson d’un.e artiste sans que les droits patrimoniaux de ce.tte dernier.ère ne soient pris en compte, n’importe qui peut utiliser le morceau d’un.e artiste pour faire un post ou une vidéo, n’importe qui peut utiliser un extrait de texte d’un.e auteur.e sans que ce.tte dernier.ère ne soit mis.e au courant. Ainsi, si avant l’émergence de l’internet, la piraterie, le plagiat et la contrefaçon étaient les principaux moyens d’atteinte au droit d’auteur des créateur.trice.s haïtien.ne.s, la numérisation de leurs œuvres qu’elles soient une chanson, une photographie ou un livre, les rend désormais encore plus vulnérables.

« J’ai plusieurs fois assisté à l’usage de mes chansons sur les réseaux sociaux sans mon accord et sans que mes droits moraux n’aient été respectés. Mais ce qui m’a le plus surpris une fois, c’est de découvrir que ma photographie ait été utilisée par un présentateur dans un show télévisé, me faisant passer pour un autre artiste quand il était jeune », confie Denis (nom d’emprunt), un jeune artiste pour qui, le  droit d’auteur est encore une notion utopique dans le monde créatif haïtien. Par ailleurs, il suggère à l’Etat haïtien de prendre des mesures adéquates pour régler ce problème bien qu’il reconnait que la tâche sera plus difficile à cause de la numérisation des œuvres.

Pour l’ingénieur informaticien, Jean Marie Altema, l’État haïtien doit se doter d’un cadre juridique adéquat pour pouvoir répondre à la réalité actuelle. «Il doit développer des politiques relatives à la protection du droit d’auteur. Par ailleurs, le Bureau haïtien du Droit d’auteur doit être techniquement renforcé pour mieux accomplir sa mission », a-t-il déclaré. D’un autre côté, l’ancien directeur général du Conseil national des télécommunications (CONATEL), suggère aux autorités haïtiennes de lancer une campagne d’éducation afin de sensibiliser les créateur.trice.s, les citoyen.ne.s ainsi que les hommes de loi sur la promotion du droit d’auteur. En outre, il recommande aux créateur.trice.s de s’organiser et de consulter des spécialistes en Droit afin de les aider à mieux défendre leurs intérêts. 

Dans ce contexte où le droit d’auteur des créateur.trice.s haïtien.ne.s ne cesse d’être violé, de plus, avec l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication(NTIC) qui vient le fragiliser encore plus, la meilleure solution que devrait adoptée l’État haïtien demeure, le renforcement des textes de lois existant et l’adoption d’une nouvelle législation en la matière. Cette nouvelle législation sur le droit d’auteur et l’internet permettra ainsi aux responsables de mieux protéger les droits des auteur.e.s en leur garantissant de meilleures conditions de la diffusion de leurs œuvres. Par ailleurs, des ateliers, forums et tables rondes doivent être organisés tant dans les milieux scolaire, universitaire, professionnel que public.

Documents consultés

1) Le droit d’auteur et l’internet, rapport du groupe de travail de l’académie des sciences morales et politiques, présidé par Gabriel BROGLIE.

2) BUYDENS, Mireille, Droit d’auteur et internet.

3) Convention Universelle sur le Droit d’auteur adopté à Genève le 6 septembre 1952.

4) Décret du 9 mars 2006 sur les Droits d’auteur ( révision de la loi du 9 janvier 1968).

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