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Gressier sans armes face au changement climatique

Sans aucune contrainte, les habitants peuvent abattre des portions de terres cultivables (des mornes s’érigeant au bord de la route nationale #2) pour ériger des constructions majoritairement anarchiques. | Photo : Judel Portain

“Située à quelques kilomètres de Port-au-Prince, la commune de Gressier fait montre d’une grande vulnérabilité face au changement climatique. Commune côtière, Gressier voit sa population augmenter continuellement. Les constructions anarchiques se multiplient sous les yeux des autorités sans la moindre intervention, informent des organisations de base de la commune. Et pourtant, le réchauffement de la planète montre déjà ses traces dans cette commune de la région des Palmes.”

Il n’est plus un secret pour quiconque qu’Haïti fait partie des pays les plus vulnérables face au changement climatique. Et d’ailleurs, les conséquences du réchauffement de la planète sont déjà très visibles dans certaines régions. De plus en plus d’inondations se produisent sur tout le territoire, laissant derrière elles de grandes détresses au niveau des populations. À quelques kilomètres de Port-au-Prince, la commune de Gressier subit régulièrement des inondations et des glissements de terrain. Une situation qui est due, selon des organisations de base de la commune, aux mauvais rapports que les habitants de la zone développent avec l’environnement.

Depuis longtemps, Gressier est une commune sur laquelle beaucoup de gens ont jeté leur dévolu pour construire des maisons. Sans aucune contrainte, les habitants peuvent abattre des portions de terres cultivables (des mornes s’érigeant au bord de la route nationale #2) pour ériger des constructions majoritairement anarchiques. « Ils se considèrent désormais comme des oiseaux qui s’abritent sur n’importe quelle branche », fait remarquer Jean-Louis Louissaint, coordonnateur de l’Initiative des gens dévoués pour le développement intégral de Gressier (IGDIG), une organisation de base de la zone.

À en croire M. Louissaint, beaucoup d’arbres sont abattus dans les mornes par les gens afin de trouver des espaces pour construire. Ce qui occasionne un déboisement effréné dans la zone. Et pourtant, en bas, soit sur la côte, parallèlement, les constructions anarchiques se multiplient. Il suffit juste de faire un tour sur la nationale # 2 au niveau de cette commune pour comprendre la situation. Les portions de terrain en cours d’aménagement pour construction sont légion dans cette zone. Des constructions en dessous des mornes pour la plupart.

D’un autre côté, la mer est sans cesse poussée dans la commune pour construire plages et maisons. Mais l’augmentation de son niveau (conséquence du changement climatique) ne cesse de causer des inondations après les pluies. Au fait, un lycée fraîchement construit sur la côte a déjà perdu une partie de sa clôture, informe Judel Portain, relationniste du Regroupement pour le progrès et le développement de Gressier (RPDG). Par ailleurs, informe ce jeune leader dévoué à sa commune natale, même une source qui desservait les habitants de Baryè Gode, localité de Gressier, est desséchée et comblée par les éboulements.

La situation devient d’autant plus grave que la population n’est pas informée sur le phénomène du changement climatique. Certains dirigeants d’organisation rencontrés ont eux-mêmes présenté énormément de difficultés à saisir le sens de ce concept. « L’avenir est très sombre en ce sens. Non seulement la population n’en sait rien, mais les autorités n’agissent pas non plus », regrette Judel Portain.

En ce sens, une sensibilisation sur le changement climatique serait nécessaire dans cette zone, réclament les organisations de base. « Il faut absolument qu’on procède à la formation des gens sur cette question. Ils doivent comprendre qu’ils s’autodétruisent », pense de son côté Jean-Louis Louissaint.

Joseph Jean Ilfonse, coordonnateur général de l’Organisation populaire et progressiste pour le développement d’Haïti (OPPDHA), croit qu’il faut mettre des centres communautaires de formation dans la région sur le changement climatique. Aussi pense-t-il nécessaire de reboiser les mornes si l’on veut réduire la vulnérabilité des gens qui habitent sur le littoral.

Mais, selon ces leaders communautaires, sans une prise de conscience efficace des autorités pour se pencher sur un tel phénomène, les actions des organisations de base seront toujours sans impact. « Ce qu’il faut, c’est une synergie entre les autorités locales et les organisations de base », dit le coordonnateur de l’IGDIG. En effet, pour M. Louissaint, « à défaut de mesures et d’actions concrètes des autorités pour stopper notamment les constructions sur le littoral, on peut s’attendre à d’énormes pertes à l’avenir ». « Car le niveau de la mer ne cesse d’augmenter », fait-il remarquer.

Dans la même veine, le coordonnateur général de l’OPPDHA invite les autorités locales à engager des agents de surveillance pour empêcher les gens de couper arbitrairement les arbres et d’utiliser l’espace de façon irrationnelle. Mais en entendant, on en est loin. Et d’ailleurs, ils reconnaissent que le changement climatique n’est pas un sujet abordé dans cette commune.

Sauf qu’il faut se rappeler que le changement climatique fait sa route. Haïti, même n’étant pas un grand émetteur de gaz à effet de serre, fait partie des pays les plus vulnérables, donc à l’urgence de mettre en place tous les moyens possibles pour s’adapter à ce phénomène. Car, comme le croit Panos Caraïbes, un organisme international qui s’investit dans la lutte contre le changement climatique, « les effets et les impacts dus au changement climatique affectent déjà et continueront d’affecter nos ressources naturelles, en particulier les moyens de subsistance des populations les plus pauvres ».

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