Palmes Magazine
Le portail de la région des palmes

Jeanguy Saintus: « La danse est la seule chose qui me rattache au monde »

Jeanguy Saintus, danseur et chorégraphe haïtien. Crédit photo: Antoine Tempé

Jeanguy Saintus est l’invité spécial de la 20e édition du festival Quatre chemins qui se déroulera à Port-au-Prince du 20 novembre au 2 décembre 2023. Jeanguy Saintus nous confie qu’il danse pour dire avec le corps ce que les mots ne sauraient décrire. La danse, pour lui, c’est l’affaire de toute une vie.

Palmes Magazine: Jeanguy Saintus, vous êtes chorégraphe, pédagogue, danseur interprète. Racontez-nous votre histoire avec la danse.

Jeanguy Saintus: J’ai toujours été habité par la danse depuis mon plus jeune âge. Donc, j’ai toujours dansé ! 

Et, c’est un privilège d’avoir trouvé ma voie au tout début de ma carrière. J’ai toujours cru en la transmission. L’envie de partage m’a toujours habitée. 

Je danse pour exister !

Je serais, peut-être, le meilleur interprète de mon propos, mais, j’ai très vite abandonné la scène en tant que danseur interprète pour me consacrer à l’écriture chorégraphique.

En Haïti, l’absence de ressources humaines et de support financier nous obligent à tout faire dans la production de nos spectacles. Ce qui, bien sûr, a un impact négatif sur la qualité du travail. Ayant horreur des “à peu près” dans la création artistique, j’ai fait le choix de la recherche pour enrichir ma démarche 

Comme je l’ai toujours dit, la danse est la seule chose qui me rattache au monde.

Pourquoi dansez-vous ?

Je danse pour rester en vie, pour dire avec le corps ce que les mots ne sauraient décrire. Je danse pour exister !

Quel rôle la danse peut-elle jouer dans le contexte actuel du pays?

“La danse rassemble et unit”

La danse, dans les moments les plus difficiles, nous permet de rêver. Et Haïti dans toute son histoire a toujours dansé. Même dans nos malheurs, nous trouvons la force de crier “Gadon’w dans”

Quand je vois l’engouement des enfants dans nos studios, comment les jeunes investissent les espaces dédiés à la danse, malgré la situation chaotique que nous vivons. Je suis convaincu qu’on peut vivre ensemble, dans la paix avec la danse comme catalyseur.

Je citerais le grand Maurice Béjart : “La danse rassemble et unit”

Parlez-nous d’Ayikodans

La Compagnie Ayikodans (Ayiti Kontredans) est une compagnie de danse de renommée internationale basée à Port au Prince, Haïti. 

Avec une écriture haïtienne contemporaine, bien ancrée dans le vécu haïtien, plus particulièrement dans la culture vodou, la compagnie a conquis le cœur du public dès sa première saison.

Le Bal des Gede (1995) demeure l’œuvre maîtresse de la troupe. Dix ans après, j’ai travaillé sur une version revisitée présentée au Rex Théâtre en février 2005 

Parlez-nous de vos réalisations.

En dehors des productions de Ayikodans dont je porte, aussi, le chapeau de chorégraphe-résident, je suis souvent invité par d’autres compagnies curieuses ou intéressées d’avoir l’empreinte du chorégraphe Jeanguy Saintus dans leur répertoire.

Heureux de constater que ma persévérance a payé. Aujourd’hui, mon écriture chorégraphique s’invite sur les grandes scènes du monde avec des compagnies comme Cleo Parker Robinson Dance (USA), National Dance Theatre Company (Jamaica), PBA Dance Ensemble (USA) Barbados Dance Theatre, Ethington Dance Ensemble (USA)… La liste n’est pas exhaustive. 

Lire aussi: Amandine Saint Martin, joyau de la danse

Récemment, peu de temps avant le Covid, j’ai été invité par la compagnie Phoenix Dance Theatre, basée à Leeds au Royaume Uni pour une version revisitée du Sacre du Printemps de Stravinsky. 

Ce ballet, monté en collaboration avec l’orchestre philharmonique OperaNorth m’a beaucoup marqué. Plus de 60 musiciens sur scène dans un théâtre vieux de plus d’un siècle. Je m’enorgueillis du succès qu’a connu le Sacre du Printemps avec une touche vodou. 

Les Solid@nse, les Soirées des Chorégraphes, les Ateliers de formation Dansepyenu, Ayitidans, DanseLaVil font partie des projets de vie du chorégraphe que Ayikodans a façonné pendant ces 35 saisons. J’ai toujours cru en la transmission et au partage.

Nous vivons dans un pays où l’on peut facilement tout perdre en quelques secondes. Un pays où nous ne savons pas toujours nous approprier notre héritage et le protéger. Sinon, je devrais mentionner que le mouvement Ayikodans a son propre local depuis dix ans.

Et votre travail a été salué dans plusieurs pays.

Le travail a été salué par différentes institutions œuvrant dans la culture: Prix Prince Claus 2008 de la Fondation Prince Claus aux Pays Bas, Vibrant pour la création Mangaje dans le cadre du 10ème anniversaire de Adrienne Arsht Center for the Arts aux USA, Kriye Bode à Long Island University de la Fondation Kriye Bode aux USA.

Vous êtes invité spécial de la 20e édition du festival Quatre chemins. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

J’en suis honoré. C’est difficile de décrire ces sentiments. Comment partager mes émotions ?

La danse est un métier de solitaire. Pire en Haïti, on se remet toujours en question, on a souvent l’impression de ne rien faire ou de n’avoir pas assez fait. Même sans la volatilité de la situation que nous vivons aujourd’hui, nous, danseurs, chorégraphes, sommes toujours inquiets.  On se sent toujours seul dans sa lutte

J’exhorte les jeunes et tous ceux qui s’intéressent à la danse, aux arts de la scène en général, de le faire avec le cœur – de s’y investir passionnément. Il y a toujours quelqu’un qui nous regarde 

Le Festival de théâtre Quatre Chemins me l’a prouvé. On n’est pas si seul. 

Propos reccueillis par: Stevens Antoine

Ailleurs sur le web

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.

commentaires
Loading...