Palmes Magazine
Le portail de la région des palmes

Nouvelles dramaturgies d’Haïti : Gouvernance de France Medeley Guillou

L’Association 4 Chemins a publié Nouvelles dramaturgies d’Haïti : Des écritures pour la scène en 2 tomes en 2022. Ce livre est une anthologie de « textes théâtraux pour le théâtre » (Guy Régis Jr) écrits par 12 jeunes dramaturges du pays. Palmes Magazine vous invite à les découvrir en une série d’articles écrits par l’écrivain Evains Wêche. Tome 1, numéro 3 : Gouvernance de France Medeley Guillou.

Quand Iza tombe enceinte de son mari Zaël, les deux ne voulaient pas de l’enfant. L’homme décide d’échanger le bébé contre la Gouvernance. Il croit en son destin : « Je suis né pour être grand à la mémoire de ma mère ». À qui a-t-on vendu l’enfant ? Un esprit vodou ? Le gouvernement ? Dieu? Bloqué sur terre, son esprit erre en quête de son âme. Il s’est fait appeler Djobolo et vient hanter et chercher ses parents pour tenter de comprendre pourquoi ils ne l’ont pas laissé vivre et aussi les accompagner dans la lumière. Prise de remords face à l’absence de son fils non-désiré qu’elle a fini par aimer, Iza meurt. La foule des dirigés lance une révolte qui semble aboutir à la décapitation de Zaël, le dirigeant. Comme il l’a fait pour sa mère auparavant, Djobolo le reçoit dans l’au-delà :

« DJOBOLO.- (Rit aux éclats). Bienvenue dans mon monde, père. On se calme. On médite ici, ici on médite. Prends ton temps. Rien ne presse ».

À la limite du délire

Dans cette pièce, qui se veut fantastique, l’auteur s’inspire des mythes haïtiens des esprits mangeurs d’enfants prompts à accorder certaines faveurs à leurs serviteurs. Mais nous sommes loin du conte, où les bons triomphent des méchants et tout finit bien. Les personnages de Gouvernance sont malheureux, amers, angoissés, troublés. Ils essaient de comprendre ce qui leur est arrivé une fois dans l’au-delà. Détenteur de la gouvernance, Zaël a souhaité une révolution. Iza a découvert son besoin de fils. Sans sexe, sans plaisir (même pas le rire !), Djobolo, promesse avortée, s’est inventé une vie dans son théâtre. « Vois-tu, en un instant, je perds conscience de tout », avoue Zaël. On est à la limite du délire.

Être femme me dépasse

Gouvernance est une réflexion sur la maternité. La mère de Zaël, qui l’a élevé seule, est omniprésente. Il a hérité de son amour pour la politique. La fougue d’Iza lui a rappelé celle de sa mère, bien qu’il avoue que personne n’a jamais été aussi douce avec lui. Il la retrouve pourtant en Iza, mère ratée de Djobolo pourtant. Et le père et le fils sont en panne de mère. Iza n’aurait jamais pu satisfaire les deux simultanément : « Être femme me dépasse complètement ». Tiraillée, elle est perdue. « Je n’ai de nom que de ma perte », dit-elle. L’image d’Iza dansant avec un vêtement de bébé est assez évocatrice. « Nous savons être femme pour ceux que nous engendrons, pour nous-mêmes à notre manière. Nous savons être femme sans savoir faire grandir un homme », lance-t-elle après.

L’écriture de Gouvernance est assez inégale. Se voulant poétique, le texte est lourd par endroits. Certaines tournures de phrases, certains jeux de mots, la longueur des tirades et le vocabulaire assez précieux sont d’une langue élégante, qui n’est pas sans rappeler les grands classiques français. Est-ce la touche de l’auteure, sa petite musique personnelle ? Un peu de fluidité n’aurait pas nuit.

France Medeley Guillou a étudié le théâtre en Haïti et en Europe. Comédienne, vidéaste, metteure en scène, elle est aussi l’auteure d’Errance Boulevard, nominé au Prix RFI Théâtre 2015 et publié en 2018 chez JEBCA EDITIONS. Elle vit aux États-Unis.

Ailleurs sur le web

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.

commentaires
Loading...