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Gressier/La Saline : Le village des laissés-pour-compte

Le village Alpha, connu sous le sobriquet La saline, est situé sur le littoral de Gressier. Comme beaucoup d’autres villages du pays il n’est pas sans difficulté. La prière reste la compagne fidèle des villageois.es de la saline qui se vouent à tous les saints.

Pour rentrer au village après une pluie, on se croirait dans un grand marécage. La route principale est dans un état déplorable : des nappes d’eaux stagnantes un peu partout, des montagnes d’ordures…  Ce qui rend la circulation comme un grand calvaire. À l’intérieur, sinon quelques maisons de fortune, on aurait cru un champ abandonné.  Quelques arbustes et des bananiers épars donnent une poussière de vie à cet endroit oublié par les autorités. Les lampadaires qui ont été installés au village sont aujourd’hui  défectueux.

Au départ construit pour être autonome sur une période de cinq ans maximum, le village Alpha se transforme en un espace invivable. Pas de centre de santé ni d’électricité, les habitants s’organisent pour s’offrir le nécessaire à l’extérieur du village. Seule une école fondamentale existe au village. Trois années après sa construction en mars 2017, le village Alpha dit la saline, continue à se niveler vers le bas. Les habitants se disent obliger de vivre à leurs dépens et ne peuvent même pas répondre aux besoins de cette petite communauté renfermant 200 familles et plus d’une centaine de maisons.

 

Construit par Food for the Poor, sur un terrain offert par la DGI,  dans le cadre de son projet de créer des villages indépendants, capables de répondre à leur propre besoin en agriculture, en eau potable, en électricité, etc. le village La Saline sombre dans le chaos une fois  lâché par l’organisation, qui dès le départ avait prévu de les laisser voler de leurs propres ailes. « C’était donc à l’État de faire le suivi. Mais l’État haïtien semble nous lâcher aussi », regrette un résidant du village. Du coup, les villageois.es se sont retrouvé.e.s dans l’incapacité de faire bouger les choses car déjà, pour certains, l’État ne reconnaît plus leur existence. Il.elle.s ne cessent de pointer du droit les autorités locales et centrales. Ce qui crée un sentiment de désespoir, et une envie d’abandonner l’endroit en quête d’une vie meilleure et un traitement humainement responsable.

Lourdjie , une fille de 16 ans, ne cache plus son ambition d’aller vivre ailleurs. « J’irai retrouver mon père à Carrefour, je n’ai plus envie de rester ici. Nous sommes livrés à nous-mêmes. Se rendre à l’école après la pluie est périlleuse, on patauge dans la boue, rare sont les chauffeurs de taxi qui nous passe la route jusqu’à l’école. J’en ai marre de porter plusieurs souliers ou sandales pour me changer, me nettoyer chaque matin avant de gagner la salle surtout pendant la période  pluvieuse », dit la jeune femme. « Ailleurs j’aurai peut-être aussi un meilleur avenir », ajouta-t-elle en haussant l’épaule.

Elle n’est pas la seule à penser à se retirer du village même s’ils n’ont pas toutes les mêmes opportunités. Pour Lovenika André, c’est le même périple pour se rendre à l’école. Elle dit prier sans arrêt afin que le Bondieu aide sa mère à payer une maison autre part. «  J’espère quitter un jour le village mais, moi, je n’ai que ma mère qui me supporte alors je dois la suivre partout où elle va. J’attends la réponse à mes prières », lâche la gamine avec un regard pâle, elle qui vit depuis un an au village.

 

Cet endroit n’est pas trop différent de son entourage, c’est impraticable dans pratiquement toute les voies secondaire de la commune après chaque pluie. Certains élèves augmentent leur budget pour avoir de quoi se payer un taxi pour passer la boue. Ceux et celles qui n’ont pas les moyens sont obligé.e.s de se salir les pieds, a raconté madame Yole, une habitante du village. Pour elle, cette situation a trop duré,  cela doit changer en indexant toutes les autorités du pays. « Il est grand temps pour que nous vivions tous.tes comme des êtres humains », lança-t-elle.

« Nous n’en demandons pas trop, la construction de la route principale serait pour nous un bon début comme ça certaines dépenses nous seraient évitées », revendique d’un ton ferme la quarantenaire, même si elle affirme ne plus croire aux autorités.

La pêche, l’un des moyens pouvant aider le village vers son accession à son autonomie, n’est pas un secteur très structuré en Haïti. Vivre à La Saline rend la vie dure. Avec un toit sur la tête, un lit dans sa maison, un système de canalisation d’eau pour les W.-C, un espace où l’on peut planter quelques épinards, pêcher s’il le faut, les problèmes s’aggravent malgré tout. À défaut d’une intervention des autorités dans cette localité, tout porte croire que la situation va s’empirer.

 

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