Palmes Magazine
Le portail de la région des palmes

Le choléra peut causer autant de dégâts en Haïti qu’en 2010, selon le Dr Jean William Pape 

Dr Jean William Pape, directeur des centres GHESKIO en Haïti

Depuis le dimanche 2 octobre 2022, les autorités ont annoncé une soudaine recrudescence du choléra en Haïti. Selon le Dr Jean William (Bill) Pape des centres GHESKIO, quoique le pays ait déjà fait une première expérience avec cette maladie, le risque est aussi élevé qu’en 2010, surtout dans le contexte actuel. 

Après l’annonce par les autorités sanitaires de plusieurs cas confirmés du choléra dont certains mortels, beaucoup de personnes demeurent très sceptiques à la nouvelle, croyant à l’impossibilité d’une éventuelle recrudescence de la maladie, puisque cela fait plus de trois ans qu’on n’a pas retrouvé ses traces dans le pays. Elles considèrent de ce fait que la nouvelle est encore un des nombreux stratagèmes des autorités pour contrer les mouvements de revendications de la population. 

Une recrudescence de la maladie n’est cependant en aucun cas impossible, indique le Dr Jean William Pape, directeur des centres GHESKIO (Groupe haïtien d’Étude du Sarcome de Kaposi et des Infections Opportunistes) en Haïti. « L’immunité contre le choléra est d’une courte durée. Elle peut tout à fait ressurgir bien qu’il n’y ait eu plus aucun cas depuis plus de trois ans comme c’est le cas dans d’autres pays qui ont été frappés par le choléra », a déclaré le spécialiste en maladies infectieuses. 

« Dans notre cas, après 12 ans depuis qu’on a détecté le premier cas de cette maladie, l’immunité est déjà perdue. La population est tout à fait sujette à une recrudescence du choléra comme s’il n’avait jamais existé », fait remarquer le Dr Pape. 

Nouvelle épidémie vs nouvelle vague

Si elle vient à devenir épidémique, dans ce cas, il y a lieu de parler d’une nouvelle épidémie du choléra, puisque la première a été éliminée il y a plus de trois ans. Il reste à déterminer s’il s’agit d’une toute nouvelle souche de bactérie recemment importée dans le pays ou de l’ancienne souche de la dernière épidémie en 2010, ce sur quoi les autorités concernées travaillent depuis.  Les deux cas sont possibles selon le Dr Pape. 

La situation n’est pas différente qu’il y a 12 ans, mais présentement il n’y a plus lieu d’impliquer les soldats népalais, dit Jean William Pape. « La maladie peut refaire surface à n’importe quel moment si les conditions lui sont favorables et en ce moment, entre l’absence d’eau potable et les pluies diluviennes , la prolifération des déchets en pleine rue dans le pays, c’est l’harmonie parfaite pour une  réapparition de la maladie », souligne le spécialiste. 

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette soudaine réapparition de la maladie selon le docteur Pape. Dans un premier cas, elle peut provenir de quelqu’un de l’extérieur qui a été contaminé et qui même traité peut encore être porteur du germe de la maladie . Cette personne peut tout à fait transmettre la maladie quand les conditions sont appropriées comme c’est le cas en Haïti.  Dans d’autres cas, la bactérie peut n’avoir jamais disparu et les conditions lui sont favorables pour réapparaitre : insalubrité, absence d’eau, les pluies fréquentes. 

La crise du carburant en cause 

« Mais la première et ultime cause qu’on peut associer à cette recrudescence de la maladie reste et demeure la crise du carburant dans le pays provoquant une pénurie de tout genre, ce qui a rendu le pays très vulnérable », précise le Dr Pape. 

« Le problème d’essence comporte plusieurs facteurs favorables à la propagation de la maladie. N’ayant pas de carburant, le Dinepa ne peut plus transmettre l’eau et il y eu une diminution en production des compagnies d’eau en bouteille jusqu’à la fermeture. De plus, les mairies ne peuvent plus envoyer de matériaux pour nettoyer les places publiques et les marchés. Les déchets sont à quelques metres des produits de consommation. Les patients ne peuvent pas arriver à temps à l’hôpital et il peut y en avoir qui sont décédés chez eux, ce qu’on appelle des décès communautaires. » poursuit Dr pape. 

Le risque de dégâts reste le même qu’en 2010 s’il n’est pas plus élevé aujourd’hui parce que la propagation peut vite se faire compte tenu qu’il y a déjà plusieurs foyers. À partir de plusieurs foyers il est plus difficile de faire la circonscription, explique le spécialiste en maladies infectieuses.

« J’appelle la population à la vigilance en évitant tout risque de contamination car avec la situation actuelle le risque est aussi élevé qu’en 2010 même en ayant une première expérience avec la maladie », affirme-t-il. Pour ceux qui doutent de la maladie, renchérit le Dr Pape, il est urgent qu’ils se ressaisissent car la maladie risque de causer d’énormes dégâts si la population ne collabore pas avec les autorités sanitaires. 

« […] Je pense qu’il faut que les Haïtiens se ressaisissent parce qu’il s’agit d’une maladie mortelle qui ne connaît aucun parti politique, aucun genre, qui n’épargne personne. Elle va frapper tout le monde. Pour ceux qui ne croient pas que la maladie existe, je pense qu’il faudrait qu’ils aillent dans les hôpitaux où on les reçoit, ils pourront voir qu’il s’agit bien de la maladie, d’ailleurs il y a même eu des décès. Il ne faut surtout pas prendre cela à la légère », sermonne Dr Jean William Pape. 

10 000 décès liés au choléra en Haïti entre 2010 et 2019

Le choléra a fait un grand nombre de victimes en Haïti d’octobre 2010 à novembre 2019, soit environ 1 000.000 de cas suspects dont un total de 10.000 décès enregistrés par les responsables de la santé publique. Selon le Dr Pape, il a sans doute eu d’autres décès passés inaperçus.

La résurgence du choléra en Haïti dans le contexte actuel, menace le bien-être et la santé de 1,2 million d’enfants vivant dans la capitale haïtienne, Port-au- Prince, a averti l’UNICEF dans une note publiée mardi 4 octobre 2022 et pourrait en empêcher 4,2 millions de retourner à l’école. En moins de huit jours, sept décès ont déjà été signalés et cinq cas positifs sont confirmés. Soixante autres cas suspects sont en cours d’investigation dans la zone métropolitaine, indiquent les autorités sanitaires. 

Ailleurs sur le web

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.

commentaires
Loading...