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Roudy Saincilla : la peinture chevillée au corps

Roudy Saincila est un peintre, sculpteur, né le 14 février 1987 à Doucette, petite localité de Petit-Goâve, située à quelques encablures du centre-ville. Il est le benjamin et le premier garçon d’une famille de 7 enfants. Roudy a grandi dans une famille moyennement cultivée, aux côtés d’un père qui, certains soirs de pleine lune et à l’occasion des fêtes, recréait la vie dans le quartier à travers de petites représentations théâtrales et replongeait ainsi les jeunes enfants au cœur de la tradition orale.

Dès sa prime enfance, l’artiste s’ouvrait déjà aux éléments qui l’entouraient. Ainsi, s’attachait-il aux arbres, aux sources, aux animaux, à la terre, qui deviennent, entre autres aujourd’hui, le fil rouge de son art pictural. Si Roudy peint depuis qu’il était gamin, c’est après la classe de philo qu’il s’y mettait totalement, dit-il. Autodidacte de son état, ce jeune homme de 32 ans se donne le défi de capter les rumeurs de la vie en campagne pour les donner à voir à travers des lignes, des courbes, des traces qui arrêtent le regard même du passant ordinaire et chatouillent les sens. Epris de la beauté du paysage et travaillé comme d’une rage de dire aussi son délabrement à 9/10 ans, le jeune Roudy s’inventait ses propres supports, principalement ses couleurs qu’il a tirées du liquide d’insectes et de la fusion d’écorces d’arbres, raconte-t-il.

Le mythe des ourlets

Roudy semblait se destiner aux choses qui donnent du travail aux doigts et aux sens. Car l’artiste dit avoir appris de sa mère, que bébé, il avait une touchée qui séduisait drôlement les gens. Quelque chose qui, pour certains, semblait relever d’un mystère. Roudy aimait aussi travailler la boue après la pluie et en créait des formes, des visages, des silhouettes et tout ce qui bougeait sa sensibilité. Ses petits gestes qui, a priori ne cachent pas grande signifiance, en tout cas pour celleux qui ne regardent les choses que de surface et pressé.e.s, coulaient comme un vrai présage. Présage qui se justifie donc aujourd’hui par la profondeur de ses gestes sur les toiles et le côté aux verves nourries qui les caractérise.

Le tronc du mapou

Si l’on a souvent tendance, ici, à associer la peinture au vaudou et à croire que les peintres sont souvent des êtres habités par des lois, Roudy, quoiqu’il nie avoir un quelconque rapport avec le vodou, n’arrive guère cependant à tordre le coup à ces clichés qui reviennent dans ses toiles et les hantent comme une enfance. Comment peut-il d’ailleurs s’empêcher d’être vu à travers ce prisme, quand il raconte, par exemple, que la première pièce qui lui a ouvert aux honneurs et à la reconnaissance lui a été inspirée du tronc d’un grand Mapou à la Doucette de ses pantalons courts et de ses pieds nus. Ce tronc de mapou dont Roudy a entendu la voix un matin lui dire de s’approcher. Et vers lequel, tout penaud, confie-t-il, il s’est approché petit à petit jusqu’à d’une partie du tronc de l’arbre, sortir sa première sculpture. Pièce qu’il a offerte en cadeau à l’Hôtel Villa Bayen, lors d’une édition de la foire de la montagne.

‘’Influence’’

« J’ai commencé à me livrer à cet exercice, je ne savais même pas encore ce que cela voulait dire. Je l’avais fait des années avant de me rendre à l’évidence qu’il existait des écoles formelles et s’évertuant à affiner l’art et donner des cours théoriques y relatifs ». On comprend donc par ces propos, que Roudy n’a pas eu à se ressourcer auprès des grands noms de la peinture, à ses débuts. Ce n’est que fort longtemps après, par le truchement de quelques amis peintres, notamment le peintre Osée Hermantin, qu’il va entendre parler de Modigliani, de Pasko, de Michel Ange, de Tiga, de Rembrandt…

La poussée chez Roudy porte la tâche d’un naturel inouï. Elle dit, un tant soit peu, son rapport avec le paysage. Précisément, celui qui a vu le premier ses petites mains nues se muer dans le vide.

Les privations

Si Roudy s’est toujours passionné pour les arts plastiques, le matériel menant à l’assouvissement de cette soif  lui a cependant longtemps été inaccessible. Il lui a fallu, pour se lancer véritablement dans cette quête du beau et de l’essentiel, pour reprendre ses propres mots, vendre son unique bœuf pour pouvoir s’en approvisionner. Ce qui semble être le lot de nombre de jeunes talents qui ne demandent qu’une petite assistance pour sortir des choses merveilleuses, et qui auront le don d’irriguer quelque chose : un élan vers une reconnaissance utile au pays.  

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