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« Ultimi Barbarorum » : le point où nous en sommes ! Lecture structurale[1] du quotidien haïtien post 7 février 2021

Crédit: Reuters

Quand la bourgeoisie voit le pouvoir lui échapper,

elle a toujours recours au fascisme afin de se maintenir…

Buenaventura Durruti (1896-1936)

L’une des anecdotes les plus célèbres sur le philosophe hollandais Baruch Spinoza est qu’après le massacre des frères De Witt (1672), Spinoza était sorti de chez lui, déterminé, enclin à placer une feuille de papier sur le lieu du meurtre avec l’inscription “Ultimi barbarorum” (ultime barbare). Spinoza, indigné par le meurtre des frères De Witt (Cornelius et Johann), voulait poser un acte de courage en guise de position. Johann De Witt, géomètre-mathématicien à ses heures, était sans doute l’un des mathématiciens les plus talentueux de sa génération. Il a guidé la politique néerlandaise pendant une génération. Sur la base de fausses accusations de trahison, il est arrêté avec son frère et livrés à la vindicte populaire. Ils sont lynchés. Cet événement est considéré par les Néerlandais comme la période la plus honteuse de l’histoire des Pays-Bas. C’est le genre d’indignation que fait naitre le moment que nous vivons actuellement.  

Voici le point où nous en sommes aujourd’hui en Haïti, le pays est en danger d’explosion, la survie de toute une population est menacée. De concert avec les courtiers internationaux, M. Jovenel Moise force le pays à sortir du processus de construction de l’Etat de droit et de la démocratie – enclenché en 1986 – pour revenir au régime dictatorial de la force brutale comme à l’époque des Duvalier. Les derniers barbares qui ont assauté l’appareil d’Etat depuis 2011 avec la bénédiction de la communauté Internationale, pour freiner l’aventure démocratique haïtienne (1986-2010), sont en train de mettre à terre, par la force brutale des armes, toutes les institutions – déjà fragiles et incomplètes  – consacrées par la Constitution de 1987 (amendée en 2011). Exit la constitution, exit les lois de la République, exit les droits de la personne, on est dans le régime tyrannique, où un seul homme – au-dessus de la loi – par le seul pouvoir de la force brutale s’impose à l’ensemble de la société qui se révèle impuissant face à la monstruosité de la dictature triomphante.

Rappel des faits

En vertu de la Constitution haïtienne de 1987, le 7 février 2021, le mandat de M. Jovenel Moise est arrivé à terme. Elu aux joutes électorales (contestées) du 20 novembre 2016, il devait rester au pouvoir pendant cinq années (2016-2021). Et contrairement à ce que voudraient faire croire l’Organisation des Etats Américains (OEA), le Système des Nations Unies (SNU) et l’Ambassade des Etats-Unis en Haïti de connivence avec les bandits légaux[2] au pouvoir, il n’y a aucun flou à ce propos. La Constitution haïtienne dit de manière claire et distincte en son article 134-2 :

L’élection présidentielle a lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième année du mandat présidentiel.

Le président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection.

En ce cas précis, il faudrait demander aux représentant-e-s des institutions internationales en Haïti, supporteurs-trices de M. Jovenel Moise, notamment à Mmes Helen Meagher La Lime et Michelle J. Sison, quelle a été l’année de l’élection de M. Jovenel Moise ?

La communauté internationale peut ne pas aimer les termes[3] de la Constitution haïtienne, elle peut feindre ne pas comprendre cette logique des législateurs haïtiens qui ont aspiré à synchroniser le temps constitutionnel au temps électoral, mais la Constitution haïtienne reste la Constitution haïtienne. Le propos est on ne peut plus clair : le mandat de M. Jovenel Moise a commencé le 7 février 2016, 2016 étant l’année de son élection, il a pris fin cinq (5) ans après soit le 7 février 2021. Et cela a été confirmé par toutes les institutions piliers de la société haïtienne en particulier, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, la Fédération des Barreaux d’Haïti, la Conférence Episcopale d’Haïti, la Conférence des Pasteurs Haïtiens (COPAH), les Organisations de Défense des Droits Humains en Haïti etc… l’Université à travers la Chaire Louis Joseph Janvier sur le Constitutionnalisme en Haïti.      

Par ailleurs, dans ce même état d’esprit, l’article 134-3 de la Constitution précise :

Le Président de la République ne peut bénéficier de prolongation de mandat. Il ne peut assumer un nouveau mandat, qu’après un intervalle de cinq (5) ans. En aucun cas, il ne peut briguer un troisième mandat.

Ce qu’il faut comprendre de la situation haïtienne actuelle

Depuis quatre (4) jours, la société haïtienne connaît une situation de double pouvoir. Le mandat de M. Jovenel Moise étant arrivé à terme le 7 février, dans la nuit du 7 au 8 février 2021, le juge le plus ancien de la Cour de Cassation (la plus haute instance judiciaire haïtienne), Maître Joseph Mécène Jean Louis (72 ans) a été désigné Président provisoire de la République d’Haïti par les principales forces vives de la société haïtienne notamment les partis politiques et la société civile pour conduire une transition de deux ans. Du coup, on se retrouve avec deux pouvoirs : d’une part un pouvoir de jure jouissant de la légalité, de la légitimité et de la reconnaissance populaire, à la tête duquel on retrouve le juge Joseph Mécène Jean Louis et de l’autre, un pouvoir de facto, celui de M. Jovenel Moise, sans légalité ni légitimité mais, bénéficiant du contrôle de facto de l’appareil d’Etat, de la force brute et du support inconditionnel de l’appareil répressif d’Etat ainsi que celui de la communauté internationale.       

Le profil du nouveau Président, Me Jean Louis, tranche littéralement avec celui du chef des bandits légaux. Homme de loi, expert en droit, ancien professeur et dirigeant d’université avec plus d’une vingtaine d’années de carrière dans le domaine de la Justice, c’est une personnalité déterminée, répondant à l’appel à servir son pays dans un contexte de grande crise. Dans son discours d’acceptation du poste, Maitre Jean-Louis précise que sa décision est motivée par le fait que le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ait constaté, le 6 février 2021, la fin de mandat de M. Moise[4], ce qui induit ipso facto une situation de vacance présidentielle puisque celui-ci a volontairement failli à organiser les élections pour son remplacement.

A côté du Président Jean-Louis, M. Moise (52 ans) passe pour un fantoche. Déjà inculpé pour crime financier par l’Unité Centrale de Renseignement Financier (2016), ciblé soixante neuf (69) fois pour son implication dans la dilapidation des Fonds Petrocaribe (2008-2019) dans les trois rapports de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (2018-2020), indexé dans les neuf (9) massacres de populations civiles (2018-2021) et maintenant Président de facto en rébellion à la Constitution, il a justement le profil type du politicien qu’affectionnent les institutions internationales. Celui du mercenaire (brasseur) local créé par la communauté internationale pour asservir et mater le peuple. Incapable de dire non à quoi que ce soit émanant de la communauté internationale[5], il est prêt à tous les compromis et compromissions pour rester au pouvoir et se prémunir de l’épée de Damoclès suspendue sur sa tête en raison de son passif de criminel multirécidiviste.    

Aujourd’hui, pour se maintenir au pouvoir tyranniquement au-delà du terme de son mandat et empêcher la transmission pacifique du pouvoir d’Etat à l’autorité judiciaire légitime tel que le souhaite l’ensemble des acteurs institutionnels haïtiens, M. Moise, de facto à la tête de l’appareil d’Etat, recourt à la répression et institue un régime de terreur et de déni des droits de la personne. Il attaque l’indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté d’expression, la liberté d’association et de réunion, la liberté de circulation ainsi que les droits civils et politiques, les droits sociaux des citoyens-citoyennes. Il compte pour cette sale besogne sur la Police Nationale d’Haïti (PNH) – à la tête de laquelle il a placé récemment (novembre 2020) un tortionnaire ancien membre des Forces Armées d’Haïti (FAD’H), M. Léon Charles –, sur le groupe paramilitaire fédérant les gangs armés (G9 en famille et alliés), un succédané de forces armées que dirige M. Jodel Lesage et son principal commanditaire, la communauté internationale.

A date, les cibles privilégiées de ces attaques sont les membres du pouvoir judiciaire, les dirigeants de partis politiques d’opposition, les journalistes des médias indépendants, les syndicalistes, les étudiant-e-s, les défenseur-e-s de droits humains et les militant-e-s politiques. On compte déjà plusieurs arrestations, des morts, des démarches d’intimidation et des mesures de représailles politiques.

Ainsi, le dimanche 7 février 2021, en plein milieu de la nuit, aux environs de 2h du matin, Maitre Yvickel D. Dabrésil, juge le plus jeune à la Cour de Cassation a été surpris chez lui dans son sommeil par l’Unité de Sécurité Générale du Palais National (USGPN). Brutalisé, humilié, menacé d’exécution sommaire par M. Dimitri Hérard – responsable de la sécurité de M. Moise – et filmé pour les besoins de la cause, l’honorable juge a été séquestré au prétexte qu’il s’apprêtait à participer à un Coup d’Etat ourdi par un émissaire du Département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique (les USA étant pourtant le principal supporteur de M. Jovenel Moise depuis l’accession au pouvoir de Donald J. Trump (2017-2021)). Le Juge Dabrésil a été enlevé et séquestré avec plus d’une vingtaine de personnes dont plusieurs personnalités éminentes de la société civile et politique haïtienne habitant le même complexe résidentiel, les Résidences Petit Bois, citons la Docteure Marie Antoinette Gauthier (ancienne candidate à la Présidence), l’Agronome Louis Buteau, l’Inspectrice Générale Marie Louise Gauthier, le Sociologue Claude Vieillard. Fait cocasse s’il en est, quelques heures après avoir mis le feu dans la République haïtienne, M. Moise s’est transporté tout bonnement à Jacmel pour prendre part au carnaval.

Ce qui s’est réellement passé le 7 février 2021 et ce qui demeure

En réalité, quelque chose s’est effectivement passé le 7 février 2021 mais, pour bien saisir sa quintessence, il faut sortir de la réalité immédiate et aller en quête du symbolique. Il faut avoir le courage de chercher au delà du concret. Au delà du concret : voilà un homme, M. Jovenel Moise qui, quand il a été placé au pouvoir en 2016 avec moins de 10 % de l’électorat, était inculpé pour blanchiment d’argent par l’UCREF. Il a été par la suite prouvé par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif qu’il a trempé, alors même qu’il n’était pas encore Président dans la dilapidation de 4.2 milliards de dollars. Son nom ainsi que celui des membres de sa famille dans plusieurs autres scandales (Dermalog) et crimes de sang et financiers.

Alors que toutes les institutions clefs et vitales du pays ont constaté, validé et affirmé péremptoirement que son mandat arrivait à terme le 7 février 2021 en vertu de la Constitution de 1987 (amendée en 2011) plutôt que de céder le pouvoir, il créé un buzz dans le dispositif démocratique haïtien en criant au coup d’état. Est-il possible de faire un coup d’état contre quelqu’un dont le mandat arrive à expiration ? Et pour donner corps à son buzz, il s’attaque à d’honnêtes citoyens-citoyennes et des gens honorables de la société haïtienne, envoie un Juge en prison et institue un état d’exception, par la force brutale de sa police politique et des gangs. Tels sont les éléments du décor qui en disent long sur la structure symbolique de ce qui s’est produit le 7 février.

Il est connu que les gens de la famille politique de M. Jovenel Moise ainsi que ses allié-e-s n’ont jamais été partisan-e-s de la démocratie. Adeptes du pouvoir fort, des massacres et des génocides, ils n’hésitent jamais à s’en prendre à la population, des femmes, des enfants, des vieillards etc… massacrant sans le moindre discernement. Mais qui aurait pu penser qu’ils auraient pu s’en prendre aux juges de la Cour de Cassation ? Pire, qui aurait pu penser qu’ils bénéficieraient du support des acteurs internationaux pour effectuer une telle besogne ?

S’agissant de ce soi-disant coup d’état, plus qu’une mise en scène, la démarche de M. Jovenel Moise ainsi que de ses stratèges a consisté à faire un coup d’état comme Fujimori et à le soustraire à l’opinion publique locale et internationale. En vertu de la définition la plus exacte du coup d’état, le seul à avoir commis un putsch en Haïti n’est autre que M. Jovenel Moise. Le coup d’Etat c’est d’abord une atteinte à la Constitution pas une simple violation. En effet, avec le support de la communauté internationale, le BINUH notamment, M. Moise a provoqué une rupture de l’ordre constitutionnel. Il essaie de consolider cette rupture par la force, la terreur et la répression depuis le 7 février 2021. Après avoir disloqué le Parlement haïtien en janvier 2020, M. Moise a révoqué la Constitution de 1987 (amendée en 2011). Il cumulait déjà, à la fois, les pouvoirs législatif et exécutif, maintenant il anéantit le pouvoir judiciaire. Sous commandite internationale, il tente de s’accrocher au pouvoir malgré la fin de son mandat constitutionnel comme Duvalier l’a déjà fait dans l’histoire d’Haïti avec son référendum et l’instauration de la présidence à vie.

En guise de conclusion

Autant que l’article 134-2 de la Constitution sur la date de fin de mandat, le tour de passe-passe de M. Jovenel Moise lance un message clair à la société haïtienne : pour se maintenir à la tête de l’appareil d’Etat dans l’illégalité, au-delà de son mandat constitutionnel, il est prêt à toutes les exactions. Est-ce justement pour cette cause que l’enlèvement du Juge a été filmé. Par ces temps de grand triomphe des réseaux sociaux où une image vaut plus que mille mots, on ne filme jamais sans arrière-pensée. Le film du déroulement de l’arrestation du magistrat, de son humiliation ainsi que des autres personnes, a été fait à dessein. Il doit frapper l’imagination et faire savoir aux combattant-e-s de la démocratie, et à qui veut l’entendre que le tyran ne reculera devant rien.

Depuis la chute de la dictature des Duvalier en 1986, la Constitution haïtienne de 1987 consacre l’Indépendance des trois pouvoirs de l’Etat (le législatif, l’exécutif et le judiciaire). Si même un Juge de la plus haute Cour de Justice du pays n’est plus protégé chez lui, alors qu’il jouit de l’immunité corollaire de sa fonction, qu’arrivera-t-il aux citoyens-citoyennes haïtiens-haïtiennes ordinaires ? Le message de M. Moise est on ne peut plus clair : Haïti est un pays sans loi, un état d’exception où personne n’a de droit. Magistrat Dabrésil pourrait être libéré aujourd’hui, demain ou après que le sens du message ne changerait pas. L’effet recherché a été déjà largement atteint.    

Et, afin que le message soit sans équivoque, l’ancien président, dont le mandat est arrivé à terme le dimanche 7 février 2021, a décidé, dans un arrêté publié dans la nuit de lundi à mardi, d’envoyer à la retraite les trois juges perçus comme potentiels dirigeants de la transition – au mépris de la Constitution qui énonce, à côté de l’autonomie et de l’indépendance du pouvoir judiciaire, que les juges de la Cour de Cassation sont inamovibles. Bien que tous les actes de M. Moise soient frappés de nullité à compter du 7 février 2021, son intention manifeste est clairement de mettre de facto à la retraite les citoyens Yvickel Dieujuste Dabresil, Wendelle Coq Thélot et Joseph Mécène Jean-Louis, juges à la Cour de cassation, selon le numéro spécial du journal officiel d’Haïti[6]. Idem de l’avis de recherche émis à l’encontre de l’ancien Maire de Port-au-Prince, M. Ralph Y. Chévry ainsi que les trente cinq (35) mandats d’amener émis, selon les medias par le Commissaire du Gouvernement de la Croix des Bouquets contre des personnalités du peuple revendicatif. Ils participent du dispositif de transmission d’un message sans équivoque de terreur et d’intimidation. Comme l’a fait remarquer un observateur avisé, au regard du déploiement organisé de terreur ayant suivi le soi disant complot déjoué, il semblerait qu’il s’agissait d’un complot pour la sûreté de l’Etat plutôt que d’un complot contre sa sûreté comme ont voulu le faire croire les anciens dirigeants de l’Etat.     

Mais bon comme on dit souvent ici, c’est bien compté mal calculé. Le mercredi 10 février 2021, malgré les menaces d’arrestation, malgré la répression policière et paramilitaire, sous les balles et les lacrymos, la population était dans la rue à la faveur d’une marche contre la dictature.« Manda w fini, Aba Diktati !» in extenso et in stricto sensu le message est clair : « Nous n’acceptons pas de vivre dans un pays sans loi, nous n’accepterons pas de vivre sans droits dans notre propre pays, nous refusons le statut de subalternes dans notre propre pays. Nous ne voulons plus de dictature, nous n’allons pas nous taire et toutes nos voix doivent compter ».

N’en déplaisent aux derniers barbares, à l’OEA, à l’ONU, au Core Group, au BINUH, à l’ambassade des USA en Haïti ainsi qu’à toutes les institutions internationales pour qui, les voix haïtiennes devraient se taire, toutes ces institutions et pays – soi disant amis d’Haïti – qui auraient souhaité voir les Haïtiens-Haïtiennes enchaîné-e-s jusqu’à ce jour, le mandat de M. Jovenel Moise a expiré le 7 février 2021. Il doit tout simplement laisser le pouvoir pour permettre à l’aventure démocratique haïtienne de suivre son cours. Depuis 1986, nous avons vomi la dictature, il pourra bien massacrer toute la population, nous n’y reviendrons pas. L’Honorable Juge Joseph Mécène Jean-Louis est le nouveau Président de la République d’Haïti.   

Port-au-Prince, le 10 février 2021


[1] Prendre conscience du quotidien haïtien, en rendre compte avec le sérieux du concept, n’est jamais un processus simple surtout lorsque la politique fluctue constamment du mensonge à la violence (Arendt, 1972). Les catégories de la politique relèvent alors fondamentalement de la pensée complexe (Morin, 1982). La possibilité d’une lecture “structurale” de notre réalité trouve son fondement dans le double mouvement (dialectique) de la conscience vers la science et de la science vers la conscience qui conduit à une théorie à la fois linéaire et circulaire de la crise du quotidien. Alors que la lecture linéaire introduit un enchaînement qui mobilise les figures « ordinaires » de parcours du quotidien, la circularité fonde une lecture d’un nouveau genre, “à la fois d’ordre scientifique et d’ordre préscientifique”, qui tente d’ancrer le niveau conjoncturel (quotidien) dans le structurel (génétique).

[2] Le terme «Bandit légal» est apparu dans le pays dans le courant des années 1990 et 2000. L’expression qui révèle les liens entre la politique et l’économie de ces intrus est lié aux cercles de racketteurs politiques, narcotrafiquants, voleurs et corrompus. Le premier Président du régime PHTK, Michel J. Martelly incarne ce personnage. Avec son groupe musical Sweet Micky, il compose la chanson «Bandi Legal» (2008). Depuis 2011, de nombreux dignitaires de l’État s’identifient comme bandit légal. Cf. Sabine Lamour, The toxic masculinity of the bandit legal, NACLA — Report on the Americas | VOL. 53, NO. 1

[3] Surtout lorsque ceux-ci n’ont pas été pas formulés dans l’intérêt de lui permettre contrôler les élections et de choisir les gens qui doivent accéder au pouvoir.

[4] En effet, dans un communiqué rendu public le 6 février, le CSPJ proclame que « le prescrit édicté à l’art 134.2 de la Constitution du 29 mars 1987, amendée le 9 mai 2011, ne souffre d’aucune ambiguïté relative au sens attribué par le législateur.» Le texte étant clair comme de l’eau de roche, il n’est nul besoin de l’interpréter et cela, d’autant que « le président Jovenel Moïse se soit déjà approprié de l’esprit et de la lettre de l’article 134-2 en appliquant, au cours de l’année 2020, aux députés et aux sénateurs respectivement les articles 92.1 et 95 de la Constitution du 29 mars 1987, amendée le 9 mai 2011 qui prescrivent le même traitement de l’échéance des mandats desdits élus et déclare, en conséquence, que « là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer.» Aucun doute dès lors que « Le mandat du président Jovenel Moïse prend fin ce 7 février 2021.» 

[5] Pour des raisons inconnues de la population haïtienne, depuis sa création, le BINUH n’a cessé de pousser l’agenda d’une reforme constitutionnelle sans tenir compte de la légalité de la démarche ni de son opportunité. Alors même qu’il reconnaissait que les conditions de la population haïtienne, déjà difficiles, se détérioraient de jour en jour, le BINUH ne jurait que par la reforme constitutionnelle, comme si celle-ci était la panacée pour toutes les maladies. En pleine pandémie de COVID-19, alors que M. Moise venait tout juste de renvoyer le Parlement et concentrait entre ses mains les pouvoirs législatif et exécutif, le BINUH a continué à attaquer la Constitution de 1987 (amendée en 2011), la qualifiant d’ambigüe. C’est tout naturellement que M. Moise s’est attelé à la tache ciblée par ses commanditaires, y voyant bien entendu son intérêt. Et il n’est pas étonnant dès lors que le support du BINUH à M. Moise soit inconditionnel, même après le massacre de portion massive de la population haïtienne. Cf. https://binuh.unmissions.org/fr/d%C3%A9claration-de-la-rssg-au-conseil-de-s%C3%A9curit%C3%A9-19-juin-2020

[6] On notera également que dans ce même numéro du journal officiel (Spécial No 9, Année 176, Lundi 8 février 2021), alors qu’il tente de démantibuler la Cour de Cassation en s’attaquant aux juges, le président de facto fournit des terres aux Américains ainsi qu’aux industriels de la sous-traitance qui coopèrent encore avec le pouvoir pour la construction de la zone franche agro-industrielle de Savane Diane.   

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