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Nouvelle résolution de l’Académie du créole haïtien : pomme de discorde entre les linguistes 

Selon des linguistes, certaines dispositions de la nouvelle résolution publiée par l’Académie du créole haïtien sont contraires aux règles élémentaires de la langue créole.

L’Académie du créole haïtien (AKA, en créole) a publié au mois de septembre une seconde résolution sur l’orthographe du créole haïtien. Cette dernière vient compléter et modifier celle publiée en juin 2017. Elle prend en compte un ensemble de 17 dispositions et 10 nouvelles décisions sur l’orthographe de la langue créole. L’élaboration de ce document découle d’un ensemble d’ateliers entre les académiciens et d’autres institutions dont les ministères de la Culture et de l’Éducation, la faculté de Linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti, la Secrétairerie d’État à l’Alphabétisation ainsi que des linguistes. 

Dans cette résolution, l’AKA a tenu à présenter chaque disposition. Selon le professeur Pierre Michel Chéry, membre de l’AKA, cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un processus de standardisation de la langue créole. L’objectif est de permettre à tous de bien écrire dans la langue vernaculaire. 

Dérogation de certaines règles fondamentales du créole haïtien

Le linguiste et ancien membre de l’Académie, Michel DeGraff a exprimé son désaccord à la résolution ; notamment à la disposition 16. Celle-ci présente les graphèmes à utiliser pour écrire l’heure. Dans une vidéo en circulation sur les réseaux sociaux, Michel DeGraff a fait une présentation des différentes règles élémentaires de la langue créole haïtienne qui sont contraires à la disposition. 

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Le linguiste croit que cette résolution constitue un handicap pour la langue créole.  Dans un texte qu’il a rendu public à la suite de la publication de cette résolution, il invite les membres de l’Académie du créole haïtien à garder la graphie de langue de tous les Haïtiens. Il leur demande également de ne pas imiter la graphie d’autres langues. 

Michel DeGraff évoque des cas où la transparence phonémique caractéristique du créole haïtien et l’allomorphie ne sont pas respectées. De plus, la commission scientifique de l’Académie n’a fourni aucune explication sur le fondement scientifique de certaines des dispositions présentes dans le document de standardisation de l’orthographe du créole haïtien. Il questionne la volonté de l’Académie à résoudre les difficultés de l’alphabet créole. Les nouvelles propositions de l’AKA vont causer plus de difficultés aux apprenants, croit le linguiste. À ces préoccupations, le professeur Chéry répond que toutes les dispositions de la résolution tiennent compte des règles et principes de la langue créole. 

Le contentieux sur la langue créole et ses ascendances politiques 

 Les discussions sur le créole haïtien donnent naissance à des contentieux et révèlent de motivations plus profondes, d’ordre politique. Le linguiste-terminologue Robert Berrouët Oriol, dans un article publié à la suite de la Déclaration du bureau de l’UNESCO en Haïti relative au respect du droit à l’éducation affirme qu’il est amplement attesté que le système éducatif national souffre de lourdes carences sur différents registres. On peut prendre en exemple l’absence d’une politique linguistique éducative. 

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La position du créole haïtien dans la société particulièrement dans la politique est au centre des différents travaux de Berrouët Oriol  sur la question de la langue créole. Le linguiste estime que l’AKA a échoué dans sa mission. Pour lui, l’Académie n’a eu aucun véritable impact dans la société haïtienne et n’a mené aucune action mesurable et durable d’aménagement du créole dans l’espace public et/ou dans le système éducatif haïtien. 

Bon nombre de linguistes n’arrivent pas à s’entendre sur la position que devrait avoir le créole haïtien dans la société. Plusieurs courants de pensée proviennent de cette mésentente. Et cette résolution donne une fois de plus la preuve qu’il y’a encore un long chemin à parcourir pour arriver à un accord sur la question du créole.

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