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Lutte pour la paternité de la grotte Anacaona : nécessité d’un arbitrage

Vue de l'entrée de la Grotte Anacaona Photo: Judel Portain

La Grotte Anacaona est devenue, depuis l’intégration de Gressier au rang des communes,  sujet de conflit entre les communes de Léogane et de Gressier. Cette lutte se fait à travers les discours médiatiques et les réseaux sociaux. Les Léoganais défendent et les Gressiérois accélèrent.

Considérant le tourisme comme l’une des filières dominantes de l’économie mondiale, et les patrimoines comme témoignages du passé, ces deux notions sont intimement liées. Tourisme et patrimoine ont des rapports historiques et dynamiques (Caze G. et Poitier F. 1996). Les communes de Gressier et de Léogâne, à côté de la lutte pour la délimitation, se lancent dans une nouvelle lutte qui se manifeste à travers les tendances et les discours médiatiques.

La Grotte Anacaona est devenue depuis l’intégration de Gressier au rang des communes, un sujet de conflits entre ces deux communes voisines. Symboliquement et historiquement, le nom ferait de la Grotte une possession de la cité d’Anacaona (Léogâne) (même si la reine Anacaona régnait sur tout le caciquat du Xaragua qui ne se réduisait pas seulement à Léogâne), et sa localisation témoigne qu’elle est une nouvelle propriété de la commune de Gressier.

Jacques Ancel et Yves Lacoste, deux géopoliticiens, comprennent respectivement la géopolitique comme relation des individus avec le territoire qu’ils vivent, et rivalités de pouvoirs sur le territoire. Dans ce cas, l’on peut dire qu’il est normal que les Léogânais mènent une lutte acharnée pour la reconquête de ce patrimoine, qui lie la cité avec le passé historique. D’aucuns diraient que les Gressiérois, eux aussi, peuvent brandir cette même légitimité historique à lutter pour la possession de ce site.

“Les Ministères du tourisme et de la culture, ainsi que l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), doivent en ce sens jouer leurs rôles afin d’éviter que cette affaire devienne incontrôlable”.

Si le territoire est la force vitale de l’État, et il est parfois considéré comme un enjeu politique et économique, cette lutte pour la possession et la reconquête de la Grotte entre les deux communes trouve son sens, entre autres, dans la capacité de la Grotte à générer des profits économiques en attirant un flux considérable de touristes.

Les analyses et les discours portant sur la situation montrent qu’aucune des deux parties n’est  responsable. On est en présence d’une difficulté, où l’on ne sait pas sur quelle carte touristique doit-on placer la Grotte Anacaona. Les Ministères du tourisme et de la culture, ainsi que l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), doivent en ce sens jouer leurs rôles afin d’éviter que cette affaire devienne incontrôlable. Les municipalités de Léogâne et de Gressier sont toutes les deux rationnelles, en ce sens l’une va jouer sur la valeur historique du patrimoine et l’autre va jouer sur sa localisation. Les lois sur les patrimoines en Haïti n’ont pas fait de projections sur une telle situation, c’est pourquoi il est urgent d’intervenir sur la question afin de trouver une solution.

Notre réflexion sur la lutte pour la possession de ce patrimoine n’est pas la toute première. Le « rara », grande manifestation culturelle du pays représentant l’identité des Léogânais, a été ces dernières années le canal des revendications populaires en rapport avec ce conflit pour la possession de la Grotte Anacaona. C’est le cas de «rara Mandegranmoun » qui chante « Apa m tande Gwòt Anakawona pa sou Leyogàn », un cri qui témoigne de la volonté des Léogânais à sauvegarder ce patrimoine.

La division administrative fait de Léogâne et de Gressier deux communes distinctes. Mais elles sont toutes les deux des villes haïtiennes et ont en commun d’avoir fait partie, à l’époque précolombienne, du caciquat du Xaragua

De l’autre côté, certains Gressiérois ne cessent de faire une sorte de Marketing touristique depuis l’intégration de Gressier au rang des communes qui fait de la Grotte Anacaona, selon les tendances, une nouvelle possession de cette commune. Est-ce que la commune de Léogâne va accepter de perdre ce patrimoine ? Puisque, comme on l’a déjà dit dans cet article, le patrimoine est considéré comme témoignage du passé  ̶ autrement dit, il est le témoin de l’histoire d’une civilisation  ̶ , ne serait-ce pas, pour les Léogânais, accepter de perdre une partie de leur histoire et de leur identité ? Et la commune de Gressier dont la délimitation a fait de la grotte sa possession ? Au fait, ce patrimoine se retrouve effectivement dans la troisième section communale (Petit-Boucan) de Gressier.

La division administrative fait de Léogâne et de Gressier deux communes distinctes. Mais elles sont toutes les deux des villes haïtiennes et ont en commun d’avoir fait partie, à l’époque précolombienne, du caciquat du Xaragua dirigé par la reine Anacaona. Ces deux communes ont en commun la devise du pays, qui fait de leurs habitants de véritables compatriotes engagés à travailler pour le bien-être de la nation haïtienne.

L’hétérogénéité est la caractéristique de toute société humaine, et le motif de conservation de soi fait parfois naitre chez les hommes des points de divergences. D’où il est logique pour que ces deux communes puissent chercher à s’affirmer comme véritables propriétaires de la Grotte. Maintenant, pour empêcher que ce conflit se dégénère et provoque des troubles entre les deux communes, il est urgent que les organismes responsables du secteur touristique, et tous les ministères et instances sectoriels,  viennent arbitrer cette situation mettant aux prises ces deux communes de la région des Palmes.

 

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