Une image vaut mille mots, nous dit un vieux dicton. En revanche, une image peut aussi valoir mille maux, puisque ces mille MOTS peuvent être interprétés en mille MAUX. Que cette image soit construite sur des hypothèses vraies ou non, on l’ignore, car tout discours aussi faux soit-il, véhiculé autour d’un sujet est susceptible de devenir vrai, s’il est partagé par tout le monde. Ou que les idées de départ dans la construction de cette image se sont mal orientées, si les meneurs et/ou promoteurs de celle-ci ne sont pas conscients. En effet, des mots qui dérangent peuvent être perçus comme des maux au regard de ceux qui sont dérangés. Comment peut-on confier une image à une institution qui ne peut/veut pas elle-même valoriser sa propre image ?

Tout acte ou toute action ne suit pas toujours l’intention avec laquelle on l’a posé. Edgar Morin dans son texte de « Introduction à la pensée complexe » nous parle de l’« écologie de l’action » qui, selon lui, dès qu’un individu entreprend une action, quelle qu’elle soit, celle-ci commence à échapper à ses intentions. Cette action entre dans un univers d’interactions et c’est finalement l’environnement qui s’en saisit dans un sens qui peut devenir contraire à l’intention initiale. Une démarche qui exige une cohérence pointue entre le discours et l’action posée pour renforcer celui-ci.

Quel constat ?

Agence de mannequins, une entreprise moderne visant à répondre aux besoins de ceux-là qu’on appelle utilisateurs, personne morale ou physique en quête des professionnels pour valoriser et/ou renforcer son image (Voir l’article). Si malgré le temps qui passe, certain pays s’en tient à l’idéal de John Robert Powers, Nous, en Haïti, nous sommes dans une toute autre sphère ; là où la dérive est la norme. Si, dans les différents rôles de l’agence, le mannequin devrait profiter de la notoriété de celle-ci, il me semble que le rôle soit inversé. De la notoriété, s’il y en a, c’est peut-être dans le fait de vouloir dégrader la valeur des institutions de mode. Si, Elle, l’agence de mannequins, devrait s’occuper de leur formation (conseils pro personnalisés), leur promotion (programmation de séances photo tests pour constituer un book et des composites, présentation auprès de son fichier clients et sur son site web…) et négocie leurs prestations, elle s’est vouée à promouvoir et à vendre le/la mannequin autrement. Autrement dans la mesure où, aucune action n’est posée de la part des agences pour faciliter aux mannequins un contrat de cession avec un utilisateur.

Aucune adresse physique, absence de cadre pour la formation des mannequins, cadre de recrutement non-spécifié, non règlementation du registre des mannequins, aucune promotion de la part des agences vis-à-vis du mannequin : tels sont certains éléments constatés dans la pratique dans les agences en Haïti.

De la promotion de l’homosexualité

Comme toute entreprise, la valeur d’une agence de mannequins réside dans la qualité des mannequins qu’elle recrute. L’agence – dans ses nombreuses formations – produit le/la mannequin ; le/la mannequin en tant que produit, produit l’image de l’institution qui le produit. Autrement dit, le producteur et le produit sont dépendants l’un de l’autre puisqu’une action faite sur l’un aura des répercussions sur l’autre. Quelles sont les qualités recherchées dans un mannequin ? Quelles sont les mécanismes de promotion dans les agences ? Des questions qui, à mon sens, devrait être la base de toute agence de mannequins. Si la structure de ces questions semble simple, les réponses n’en sont pas moins complexes et cela risque d’être décevant.

Les patrons des agences, à défaut d’un booker[1], entendent faire tout le travail. Un travail qui consiste, dans un premier temps, à recruter non pas les meilleures figures, d’ailleurs ces dernières ne sont pas partant pour une expérience dans une agence du fait de sa mauvaise publicité, ils/elles se disent plutôt être mannequins libre ou encore freelance, mais de préférence ceux-là et celles-là qui semblent les plus malléables dans leur comportement. Dans un deuxième temps, ils montent les nouveaux recrus contre les discours dominants (vous les connaissez déjà) sur la pratique des agences. Ce qui me semble être un bon travail, puisque cela leur permettra d’avoir plus d’estime et de goût pour le métier. Mais ce n’est pas tout. Cela joue aux bénéfices des deux parties ; les patrons, en premier lieu, en profite pour faire des avances sexuelles aux mannequins, et en second lieu, les mannequins entre eux.

Ce phénomène, l’homosexualité, n’est pas pris au sens de jugement morale dans le texte. S’il est légal dans certaines sociétés, chez nous il y a des restrictions légales sur la pratique. Malgré, les agences constituent le foyer d’accueil des pratiquants. Le foyer où ils sont libres à s’affirmer et ne sont sujet d’aucun jugement et de rejet. Dans les coulis (back stage) des fashions show, les shootings de photo, les séances de répétions, ils en font des scènes. Ces dernières, perçues à mon égard comme de la promotion, arrivent à la conclusion du discours « tout mannken gason se masisi epi fanm yo se madivin ».

Vers la marchandisation du corps

Le corps devient marchandise pour la vente d’autres marchandises, il devient littéralement victime de la mode par le travail agressif de photographes et de stylistes. « La mode ne veut pas vêtir le corps : elle veut créer un corps qui lui serve de complément. » nous dit Nízia Villaça dans son article « Mode et identité dans le contemporain ». Mais là, telle n’est pas la forme de marchandisation dont je veux parler. Je développerai cet aspect dans mon prochain chapitre sur la nudité. Je me pencherai davantage sur les abus (Si je peux appeler ça comme ça) des patrons des agences au dépend des mannequins. S’il faut faire des sacrifices pour réaliser ses rêves, ceux des mannequins semblent les plus dures.

Pris au piège dans le dilemme entre le désir de s’affirmer pleinement et la quête d’une célébrité éphémère pure et simple, le mannequin vend sa peau au (x) plus offrant (s). Ce qui lui vaut de participer dans quelques shootings de photos et de défilés de mode pour lesquels il ne reçoit même pas des frais. Les patrons, sans hésitation aucune, malgré la naïveté des mannequins, sans crainte de leur statut, pour faciliter le mannequin à participer dans une activité lui demande son corps en contrepartie. Cette pratique n’épargne aucun des deux genres, fille ou garçon dans les agences. Deux courants dominent ces dernières, les plus anciens – ceux-là et celles-là qui ont vendu leur fierté au diable[2] pour la célébrité – sont d’office qualifiés, compétents(es) ou pas, pour toutes activités d’une part, et les plus donnants dans les nouveaux recrus d’autre part, et du reste, on s’en fou car la logique est que « si w pa vle sèvi, wa yan kankan, ou p ap janm patisipe nan anyen tou (qui ne donne rien n’aura rien reçu en retour) ». Le corps du mannequin devient la monnaie d’échange.

Le challenge est encore plus rude quand l’agence décroche un contrat pour certains mannequins avec un utilisateur. Après la pré-sélection, les seuls/les qui seront retenus(es) sont ceux-là et celles-là qui disent « oui » à toutes les conditions – professionnelles et personnelles – au patron.

On se demande peut-être, pourquoi les mannequins n’ont jamais osé dénoncer haut et fort cette pratique ? Se sentent-t-ils confortables dans cette posture ? Ou moins encore, s’ils ont décidé de la dénoncer un jour, quels sont les possibles moyens de recours ? D’ailleurs, cette pratique n’est classée dans aucun registre du ministère du commerce, ni le ministère des affaires sociales et du travail ne la reconnait pas comme métier. Légalement, le travail du mannequin n’est protégé d’aucun texte de loi.


[1] Celui qui est responsable, dans l’agence, de tout casting officiel, tout contrat entre le mannequin et les utilisateurs, et aussi a préparé pour le mannequin son portfolio et sa composite en fin de carrière

[2] Une dénotation du terme pour faire référence aux patrons des agences.

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