Il n’y a pas de mode si elle ne descend pas dans la rue, nous dit Coco Chanel. Pour une compréhension littérale de cette assertion, cela signifie juste que la mode doit être l’affaire de tout le monde. Toutefois, cette pratique n’a commencé qu’à partir de 1960 avec la montée du prêt-à-porter. Celui-ci est constitué de la fabrication industrielle des pièces. Entre les années 80 et 90, nous avons donc affaire non seulement à une mode qui rassemble toutes les classes sociales (Davis, 1992), mais également une mode préventive qui tente du mieux possible de prédire certains comportements vestimentaires par la création des pièces futuristes. 

Au début des années 2000, la haute couture ne veut plus être seulement et simplement une pratique économique et artistique, elle se veut aussi être un outil de lutte sociale. Étant un des moyens de communication non verbale très efficace (Descamps, 1989), elle utilise le support mobile de l’être humain, son corps, pour faire passer le message : ce qui risque de nous arriver. Ce dernier est délivré par les images vendues à la télé, dans les billboards, les magazines de mode et bien d’autres moyens encore. Le message est généralement délivré par les mannequins sur le podium des fashion week et des séances photos ; par les célébrités sur les tapis rouge et par les artistes à travers certains spectacles. 

Pour chaque société, il y a toujours un groupe qui, bien que minoritaire assez souvent, arrive à sortir du cadre ordinaire de l’habillement. Il se peut que ce soit de simples individus, tout comme cela peut être aussi des artistes. En Haïti, ce groupe est, soit mal compris par la grande majorité soit méconnu. Sans oublier qu’il faut évoquer la question de genre dans cette affaire : qui fait quoi ? Autrement dit, est-ce un garçon, une fille ou une personne de la communauté LGBTQ+. Cela va donc définir l’appréciation ou la dépréciation de ce que fait la personne en question. La logique veut que les femmes soient libres dans les looks qu’elles prennent. Je cite donc dans ce cas, KANIS[i], elle est réputée d’être l’une des artistes féminines haïtiennes pour être une Fashion Icon ou Fashion Leader (icône ou leader de la mode). C’est une personne, influente plus généralement, qui initie un nouveau style et celui-ci se répand dans les pratiques de mode. Un style que d’autres peuvent suivre. De manière simplifiée, c’est une personne qui prend des looks hors du commun, hors du cadre normatif. L’on pourrait aussi prendre, à ce niveau, les relookeurs comme des Fashion icon, mais qui n’est pas très exact. Qu’en est-il des hommes?

La haute couture est très peu développée en Haïti. Nos relations avec elle l’est encore moins. Quand quelqu’un tente de s’identifier par ses looks, il est marginalisé et critiqué. Nous ne sommes pas sans savoir que Gazzman couleur, le chanteur de DISIP, est très critiqué pour ses looks dans ses spectacles. Malheureusement, l’on ne rend pas compte de ce qu’on essaie de détruire. Les looks de Gazzman répondent à un modèle-type fashion iconique. Un mélange entre les pièces traditionnelles haïtiennes avec une touche moderne, rien que pour créer une originalité sans précédent. Ces looks sont révélateurs. Gazzman est pour Haïti ce que Billy Porter est pour la mode ; un baron en termes de contenu en fashion icon. 

Les looks de Gazzman rentrent dans trois cadres spécifiques. Les costards, un look ordinaire qui est composé d’un costume de deux ou de trois pièces. Il y a look chic ou look osé dans lequel Gazzman opte pour un mariage très peu ordinaire à travers les couleurs. Ces looks sont constitués d’au moins une couleur vive. Et le montage de ces looks est généralement bien assorti selon les principes du relooking. Il y a le troisième cadre, celui qui défie la question de binarité : homme-femme. Les grandes maisons de haute couture se lance dans la production des pièces non-binaires ; des pièces apparemment liées à une catégorie (femme plus généralement) mais que tout le monde peut porter. L’on remarque assez souvent Gazzman dans ce genre de look. Il faut être audacieux et avoir une bonne connaissance dans le relooking pour faire le montage, mais Gazzman s’en sort toujours bien. C’est d’ailleurs pourquoi certains experts en relooking le suivent de près. 

À bien comprendre le travail de Gazzman, cela pourra même constituer un patrimoine en termes de contenu en fashion Icon pour Haïti. Il n’est peut-être pas le premier à avoir pris des looks osés, si l’on se rappelle Ansy Derose. Mais le temps est révolu, Gazzman a largement pris le dessus. Je vous invite donc à approfondir vos recherches pour comprendre les looks avant de lancer des critiques sans fondement empirique ou technique.

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