Chère petite nièce Marthe Abigaëlle,
Voici que tu cueilles ton premier petit bouton bleu dans l’arbre des ans. Voici que tu poses tes petits pieds dans le chemin des jours. Dans la rocaille du temps. Et la joie que j’éprouve n’a d’égal que le son du clair venu de toi qu’il manquait à mes yeux. Ton arrivée est chose, c’est vrai, pour quelques morceaux d’argile verts aux gris trop abondants des saisons.
Aux nuances mal supportables des heures.
Merci d’être venue et d’être ce chemin d’étincelles aux courbes trop dangereuses de mes nuits.
Je dois aussi te dire, dans une langue loin d’être caressée d’images, que tu débarques sur une scène où se trouvent mêlées joies et fragilités; un théâtre où tout est très beau, où tout est très laid, et où tu dois assumer pleinement ton rôle.
Je ne t’offre rien pour ce jour unique.
J’attends plutôt de toi, quand tu deviendras grande fille, que tu aideras les fleurs à pousser. Apprendras à te regarder. Mais à regarder les autres. Car ici, les hommes et les femmes ne sont presque plus capables de cette émotion extraordinaire.
Je t’invite, pour te quitter, à te passionner pour ce qui n’est pas forcément fait de corps. Car, à trop s’en raffoler, à trop s’y appuyer, s’écroule doucement le monde. S’écroule doucement le sol où tu écoutes tes pieds. Je t’invite enfin à bien prendre la mesure des choses.
Ma tante t’aime et t’embrasse si fort!
- Votes
Ailleurs sur le web